Le Modeste promeut la qualité, la simplicité, l'authenticité et le local. Rien d'étonnant par conséquent à ce que ses vêtements soient fabriqués en France, notamment à partir de laine française, transformée dans l'Hexagone. Rien d'étonnant en théorie, mais en pratique…
La France possède le plus important troupeau de moutons d'Europe, soit environ 7 millions de têtes. Un troupeau d'une grande variété, qui intègre une soixantaine de races. Largement de quoi répondre, au moins, à la consommation nationale de laine.
Erreur… L'Hexagone exporte la quasi-totalité de sa production.Seuls 1 à 4 % sont travaillés sur place. Et puisque la quasi-totalité de la matière première est exportée, le fil et les produits finis — habillement, textile pour la maison, literie, etc. — sont, forcément, presque tous importés.
Le temps est loin où l'entreprise leader du secteur, La Lainière de Roubaix, employait plus 15 000 salariés, dont près de 7000 dans la seule ville éponyme.
Celle-ci était d'ailleurs, dans les années 1950, qualifiée de capitale mondiale de la laine.
Aujourd'hui, la filière industrielle lainière a totalement disparu. Seuls ont survécu quelques acteurs artisanaux qui ont su, heureusement, préserver et faire vivre les savoir-faire.
Comment a-t-on pu en arriver là ? C'est le résultat d'un long processus qui mêle mondialisation, concurrence, délocalisations, perte de savoir-faire et baisse de qualité.
En 2021, le prix de la tonte d'un mouton est deux fois supérieur à celui de la vente de la laine. On comprend que celles et ceux qui élèvent des brebis le fassent pour la viande et le lait ! La laine est devenue un surplus, un coproduit — presque un déchet ! —, dont il convient de se débarrasser. Et pourtant, qui n'a pas de pulls en laine dans ses placards ? En se focalisant ainsi sur la viande et le lait, les éleveurs ont négligé la laine et n'ont plus prêté attention à sa qualité. C'est un cercle vicieux dont il est très difficile de sortir.
Un exemple : il est extrêmement difficile de faire laver la laine en France. Quelques acteurs subsistent, le plus souvent de petite taille. Cette activité nécessite alors de la main-d'œuvre, qu'il faut rémunérer. Le coût du lavage est alors très élevé. Un seul acteur, Lavage du Gévaudan, propose des prestations semi-industrielles, à prix compétitifs. Un seul, dans tout l'Hexagone. L'essentiel de la laine valorisée en France est par conséquent lavée ailleurs, en Espagne, en Italie et en Belgique. Et à l'échelle de la planète, c'est en Chine que le lavage en quantités industrielles se fait désormais.
Une bonne nouvelle cependant :Lavage du Gévaudan n'est pas un survivant, mais un nouveau-venu.L'activité a été créée hier, en 2018. Et elle répond parfaitement aux exigences actuelles, en termes d'environnement en particulier. Ainsi, c'est du savon neutre et biodégradable, et rien d'autre, qui est utilisé pour dégraisser la laine.
Tous les espoirs ne sont donc pas perdus.De nombreux acteurs, qu'ils soient éleveurs, transformateurs ou créateurs, se mobilisent, se regroupent et font revivre la filière lainière française.
Le Modeste est ainsi membre du collectif Tricolor, qui réunit fédérations, chambres syndicales et associations d'éleveurs, de transformateurs, de fabricants, de marques, etc.
Grâce à une sélection rigoureuse d'élevages, ses membres conjuguent leurs efforts pour garantir une production de laine de qualité.
Au final, il s'agit de « permettre aux différents maillons de la chaîne de transformation de travailler ensemble à partir d’une matière locale, tracée et labellisée ».Tricolor a également pour objectif de former « un stock de matières labellisées afin d’assurer leur disponibilité tout au long de la chaîne de transformation ».
Eric Carlier à Tissages d'Autan
Pour ses créations en laine, Le Modeste fait appel à des acteurs locaux — filateurs, tisserands,ennoblisseurs, confectionneurs.
Ses pulls, tricotés et fabriqués par Missègle, dans la Tarn, sont ainsi constitués de laine non teinte de mérinos d'Arles.
S'il est d'origine espagnole, ce mouton est aussi français d'adoption, depuis le XVIIe siècle.
C'est en effet Louis XIV qui en a fait importer quelques spécimens, qui se sont parfaitement adaptés.
Et qui ont, au fil des années puis des siècles, donné naissance, par croisements, à plusieurs races françaises.
Mais il n'y a pas que le mérinos : Aure et Campan, Barégeoise, Bizet, Corse, Île-de-France, Lacaune, Noire du Velay, Solognote, Tarasconnaise, etc., fournissent aussi de la lained'excellente qualité.
Pour ses manteaux et ses vestons, Le Modeste a sélectionné différents draps, tissés dans le Tarn par le Passe Trame.Ces tissus mélangent deux ou plus des laines susmentionnées, non teintes. Les vêtements sont ensuite fabriqués par le Vestiaire de Jeanne, un atelier implanté dans le Gard.
Toute la laine produite en France ne se prête pas cependant à la confection de vêtements. C'est notamment le cas de celle des brebis laitières, comme les Manech et ou les basco-béarnaises des Pyrénées. Leur toison sont trop brutes, leurs fibres trop courtes. Solide et présentant une excellente tenue, cette laine rustique constitue en revanche une excellente matière première par le tissu d'ameublement, voire pour la fabrication des tapis. La literie est aussi un débouché intéressant pour cette laine très peu valorisée.
Les décideurs et les industriels ont choisi, à partir des années 1990, de vider le pays de ses activités industrielles, pour des raisons de concurrence et de baisse des coûts. L'industrie lainière n'en est qu'un exemple.
Il convient aujourd'hui de reconstruire ce qui a été détruit. Cela prendra du temps et des moyens, mais les bonnes volontés ne manquent pas.
Quant aux consommateurs, ils doivent eux aussi contribuer à la relocalisation des activités productives, en privilégiant, quand ils le peuvent, des produits made in France.